1945-1979
La modernisation du Québec et la Révolution tranquille
Histoire
Sélection d'événements
En 1945, la reddition de l’Allemagne et la capitulation du Japon scellent la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui a bouleversé les rapports de force en Occident. Le conflit a fait plus de 40 000 victimes canadiennes. Au retour des soldats, l’inquiétude, la douleur et les privations cèdent lentement le pas à la prospérité économique et à une nouvelle phase de modernisation. Après des années empreintes de conservatisme, le Québec entre, dans les années 1960, dans une ère d’affirmation alors que s’opère irréversiblement un changement dans les mentalités et sur le plan politique.
Jusqu’à la crise énergétique des années 1970, le Québec profite d’un contexte mondial favorable à son développement économique. Le commerce, continental d’abord, international ensuite, s’accroît. Les besoins du principal partenaire économique du Canada, les États-Unis, sont multipliés, entre autres, par la guerre froide qui l’oppose à l’URSS. Montréal perd sa suprématie financière et commerciale au profit de Toronto, qui accueille plusieurs Anglo-Québécois, particulièrement dans la décennie 1970, notamment à la suite du transfert de sièges sociaux. La consommation de biens et de services diversifiés contribue plus que jamais à la croissance de l’économie : c’est le début de la société de consommation. Sous l’influence de la culture américaine, les modes de vie tendent à s’uniformiser.
Après avoir connu son apogée dans le premier tiers du 20e siècle, l’influence de l’Église catholique décline; progressivement, la société et les institutions québécoises se laïcisent. L’autorité morale du clergé est remise en question par la promotion et l’adoption de valeurs transmises par des artistes de diverses disciplines, des syndicalistes et des intellectuels ainsi que par certains médias de masse. La population rajeunit sous l’effet du bébé-boum. À la suite de la sédentarisation, le taux d’accroissement naturel est aussi en hausse chez les Autochtones. Leur culture s’effrite toutefois. Entre autres maux, la fréquentation obligatoire des pensionnats, dont l’existence est vouée à la propagation de la culture judéo-chrétienne, contribue à accélérer le déclin de certaines langues autochtones et à fragiliser le tissu social dans plusieurs communautés. Par ailleurs, les territoires ancestraux sont convoités par l’État, qui souhaite poursuivre le développement économique de la province. Les conventions établies avec les Cris, les Inuits et les Naskapis sont représentatives de la nécessaire conciliation entre l’État québécois et les Premières Nations et la nation inuite, au sein desquelles se profile une forme de nationalisme autochtone et émergent de nouveaux leaders.
Le bilan migratoire du Québec est positif. Les nouveaux arrivants, dont l’origine est de plus en plus diversifiée, s’installent majoritairement au cœur de la métropole, alors que plusieurs francophones vont peupler sa banlieue. Montréal présente un caractère cosmopolite et poursuit son anglicisation, plusieurs immigrants adoptant la langue anglaise, essentiellement pour des motifs socioéconomiques. En région, où l’exploitation des matières premières stimule l’économie, les producteurs profitent du développement de la technologie agricole. Les fermes prennent de l’expansion et bénéficient, entre autres, du programme d’électrification rurale pour accroître leur rendement.
La modernisation du Québec va de pair avec l’accès des femmes aux espaces d’ordinaire occupés par les hommes et une dévalorisation de leurs responsabilités traditionnelles. L’autonomie économique acquise par le travail effectué hors du foyer, particulièrement à partir des années 1960, offre aux femmes une plus grande liberté de choix. Des gains juridiques et sociaux en ce qui a trait au statut des époux, à la contraception, au divorce et à la maternité ponctuent la quête d’égalité. Les femmes font davantage entendre leur voix dans les revendications des travailleurs en cette période où culmine le mouvement syndical, qui se nationalise, se déconfessionnalise et s’anime. Les grèves d’Asbestos et de Murdochville de même que celles des employés des secteurs public et parapublic sont des exemples de l’intensité et de la complexité de certains conflits d’alors.
Reporté au pouvoir en 1944, Duplessis privilégie le libéralisme économique tout en perpétuant des politiques sociales conservatrices. Régionalisme et autonomie provinciale face à un État fédéral interventionniste motivent, entre autres, ses actions pendant près de quinze ans, que la mémoire collective rappelle fréquemment à l’esprit par l’expression grande noirceur. Le bref passage de Paul Sauvé annonce un renouveau qu’incarne, dans toute sa mesure, le gouvernement libéral de Jean Lesage, qui met en place, à la suite d’autres leaders occidentaux, les conditions nécessaires au passage à l’État-providence. Les questions nationales et celles des droits linguistiques, sur lesquels portent les projets de loi nos 63, 22 et 101, accaparent les actions et les débats des vingt années suivantes, les années 1960 marquant une rupture dans l’histoire du Québec.
Le Québec vit sa révolution tranquille. Fort d’un large consensus social, l’État québécois est l’instrument de l’accélération de la modernisation de ses institutions et de la promotion de l’identité québécoise. Les principes de l’État-providence sont soutenus par la création de ministères et de sociétés d’État et la professionnalisation de l’administration publique. Les réseaux de la santé et des services sociaux ainsi que le système scolaire sont réformés, des outils d’intervention en matière économique sont créés et une politique étrangère est adoptée, conduisant à la réouverture de bureaux du Québec à l’étranger, notamment à Paris et à Londres.
Les transformations socioéconomiques et politiques de même que les changements de mentalités sont les germes tout autant que les fruits d’un courant néonationaliste qui tourne le dos à un nationalisme traditionnel. Le vocable Québécois se substitue à celui de Canadien français. Le milieu culturel, doté d’une première politique, est effervescent avec les Pauline Julien, Félix Leclerc, Alfred Pellan, Mordecai Richler et Michel Tremblay, notamment. Certains artistes comme d’autres membres de la société, dont plusieurs jeunes hommes et femmes, se font porteurs du projet national. Montréal offre une fenêtre sur le Québec et le Canada à l’ensemble du monde avec l’Exposition universelle d’abord, puis avec les Jeux olympiques.
Au tournant des années 1970, sous la gouverne de Robert Bourassa au provincial et de Pierre Elliott Trudeau au fédéral, le Québec est le théâtre d’une radicalisation de certains nationalistes. La crise d’Octobre, qui conduit à l’imposition de mesures de guerre, divise le Québec. L’assassinat du ministre Pierre Laporte discrédite le Front de libération du Québec, sans toutefois couper court à la quête d’égalité et d’indépendance du Québec. Fondé à la suite de la création du Mouvement souveraineté-association, qui réunit des militants du Ralliement national et du Rassemblement pour l’indépendance nationale, le Parti québécois forme le gouvernement en 1976. Quatre ans plus tard, le sort du Québec dans l’ensemble canadien est remis entre les mains des Québécois, alors que le gouvernement de René Lévesque les consulte lors d’un référendum sur la souveraineté-association.
Source : Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec